Administration fiscale partenaire IISF - France
Retour sur l’expérience française
Par Samia Abdelghani, Conseillère fiscale principale à l’OCDE
Lancement du programme IISF au Cameroun |
La France fait partie des pays pionniers de l’initiative IISF et a largement contribué à son succès. En effet, avant même son lancement officiel en juillet 2015, la France a pris part à la phase opérationnelle expérimentale de l’initiative lancée dès 2014, à travers le déploiement de l’un de ses experts auprès de l’administration fiscale du Sénégal. Depuis lors, la France a déployé ses experts dans d’autres pays en développement tels le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, Madagascar, le Mali et le Tchad. |
Un apprentissage fondé sur la pratiquePartenaire engagé de l’initiative IISF, la France déploie depuis six ans des experts fiscaux chevronnés en Afrique francophone en vue de développer les compétences locales et renforcer l’expertise dans le domaine de la vérification fiscale.
Ses experts travaillent sur le terrain aux côtés des agents des administrations fiscales africaines sur des dossiers de contrôle fiscal comportant des problématiques complexes et partagent avec eux leurs compétences, connaissances et savoir-faire.
L’expérience acquise par la France dans le cadre de l’initiative IISF montre qu’une démarche fondée sur l’apprentissage par la pratique favorise, davantage que les formes ordinaires d’assistance et de renforcement des capacités, un ancrage plus solide de l’expertise fiscale au sein des administrations fiscales des pays en développement.
Une assistance sur mesureLa durée des programmes IISF ainsi que le domaine d’assistance varient selon les pays d’intervention des experts français. De manière générale, la durée des programmes IISF est comprise entre 12 et 18 mois et le nombre de missions de l’expert dans le pays d’accueil varie entre six et neuf, en fonction de la durée totale du programme. |
Une première mission de cadrage dans le pays d’accueil permet à l’expert de rencontrer les principaux acteurs de l’administration fiscale locale impliqués dans le programme, définir les indicateurs d’impact du programme, prendre connaissance du cadre juridique et administratif local, et débuter les travaux de programmation et de vérification fiscale. S’ensuivent d’autres missions sur le terrain au cours desquelles les experts français travaillent étroitement avec les vérificateurs locaux sur les dossiers sélectionnés et délivrent, en fonction des besoins exprimés, des actions de formation ponctuelles en vue d’approfondir des thématiques spécifiques relatives au contrôle fiscal.
Entre chacune des missions des experts français sur le terrain, une assistance à distance est assurée, par des moyens sécurisés, afin de faciliter le suivi des dossiers auxquels les experts sont associés et répondre aux besoins spécifiques des vérificateurs locaux. |
Lancement du programme IISF au Mali |
Les domaines d’assistance IISF varient en fonction des programmes. Certains programmes IISF auxquels la France participe portent sur des secteurs d’activité spécifiques pour lesquels les pays requérants souhaitent renforcer leur expertise tandis que d’autres programmes IISF sont beaucoup plus généraux et visent des dossiers à forts enjeux comportant une dimension internationale.
Les programmes IISF auxquels la France prend part sont financés par le Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères lequel prend en charge les frais de mission des experts français. |
Témoignage d’un expert IISF de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) Mon expérience en cours au Tchad se révèle des plus passionnantes et des plus stimulantes. À travers l'examen de dossiers "réels", le programme IISF apporte un soutien concret et opérationnel aux vérificateurs tchadiens, impliqués et demandeurs de solutions techniques. Les travaux en séance, toujours riches d'échanges, me permettent de répondre à leurs attentes, en partageant connaissances et expériences du contrôle fiscal.
Quelques défis sont néanmoins à relever dans le cadre du programme IISF que je mène au Tchad. Le manque de collaboration patent des multinationales contrôlées - soit par le caractère vague de leurs justifications, soit par l'absence de réponse aux demandes des vérificateurs - nuit au bon déroulement de la procédure de contrôle. Mon rôle consiste à maintenir une motivation constante des équipes, à renforcer leur approche critique des explications apportées et de la documentation transmise par les entreprises contrôlées, et encourager les vérificateurs à persévérer face à des comportements dilatoires.
Compte tenu des diverses approches de contrôle des vérificateurs, il m'a semblé opportun de travailler à une harmonisation des pratiques, en proposant des "outils" standardisés dont l'élaboration, la pertinence et la mise en place sont opérées de concert avec l'équipe de coordination et les services de la Direction Générale des impôts du Tchad. À mon sens, l'appropriation et la diffusion de pratiques uniformes constituent - outre la finalité budgétaire - l'enjeu principal d'un programme IISF, afin d'assurer le caractère pérenne de l'assistance apportée.
Agir en qualité d'expert offre également un positionnement inhabituel dans le cadre d'une vérification de comptabilité. L'absence de participation au débat oral et contradictoire, sur place avec les représentants des entreprises vérifiées, constitue une approche différente du contrôle tel que je le pratique au quotidien. L'espacement entre mes missions au Tchad - au rythme d'une intervention toutes les huit semaines - nécessite d'entretenir un lien continu avec les équipes de vérificateurs. Cela implique de tisser des liens étroits entre l'équipe de coordination, les vérificateurs et l'expert, et nouer de solides relations de travail, empreintes d'une confiance réciproque, pour assurer un dialogue permanent.
Apporter une assistance à un pays en développement dans le cadre d’un programme IISF constitue incontestablement une expérience riche et unique, tant sur un plan technique que sur un plan humain. "Partage" et "Adaptation" apparaissent, pour moi, les maîtres-mots d'un programme IISF réussi. |
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Session de travail du programme IISF au Congo |
Les experts IISF français ont également contribué à l’amélioration de la qualité et l’uniformité des contrôles fiscaux, notamment à travers l’élaboration de demandes de renseignements types, de grilles d’analyse fonctionnelle, de tableaux de dépouillement des déclarations fiscales, d’outils d’analyse-risque et de recherche, qui sont autant de moyens qui facilitent les travaux des vérificateurs fiscaux.
L’expérience a montré que la réussite des programmes IISF auxquels la France a pris part est de plus grande ampleur lorsque lesdits programmes sont portés par une volonté politique forte et l’ensemble des parties prenantes travaillent de concert à la réalisation des objectifs assignés aux programmes IISF. |
Les perspectivesFace à la demande croissante d’assistance des pays en développement, la France entend poursuivre sa coopération fiscale dans le cadre de l’initiative IISF, au service de la mobilisation des ressources intérieures des pays en développement.
À cet égard, la France s’est d’ores et déjà engagée à déployer des experts pour les programmes IISF au Togo et en Guinée. Elle n’exclut pas par ailleurs d’élargir son soutien à d’autres continents que l’Afrique, en capitalisant sur l’expérience acquise par ses experts dans le cadre des programmes IISF achevés.
Des pistes d’amélioration des programmes IISF sont actuellement à l’étude, en vue d’en accroître la portée et l’efficience, telle la remise, à chaque nouvel expert IISF, d’un kit d’information sur le pays au sein duquel il sera déployé qui permettrait de mieux se préparer pour le programme et optimiser les missions sur le terrain.
L’administration fiscale française réfléchit également à la constitution d’un fichier d’experts récemment retraités afin de pouvoir répondre à la demande croissante d’assistance IISF des pays en développement.
En conclusion, la France considère l’initiative IISF comme une véritable opportunité pour les pays en développement de renforcer leurs capacités dans le domaine du contrôle fiscal afin de mieux lutter contre les pratiques d’évitement fiscal et s’est engagée à ce titre à continuer à lui apporter un soutien actif. |
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